Charlotte Mercier a monté son agence événementielle Berleone en 2015. Cette jeune entrepreneuse nous décrit sa vision de l’entrepreneuriat d’aujourd’hui basée sur le relationnel et le plaisir.
Lorsque Charlotte Mercier monte Berleone du haut de ses 21 ans en 2015, difficile d’imaginer vraiment ce qui l’attend à la tête d’une agence événementielle. Aujourd’hui, sa vie de directrice est bien différente de ce qu’elle avait imaginée à ses débuts, mais n’en est pas moins plaisante. Cette entrepreneuse positive, jeune, mais expérimentée revient sur ce qu’est la vie d’un entrepreneur d’une vingtaine d’années qui gère seule sa société.
Décrivez-nous Berleone en quelques mots.
Berleone est une société que j’ai montée en 2015, on était deux au départ et j’ai repris la totalité de la société. C’est une agence événementielle qui n’a pas de domaine spécialisé, on peut intervenir sur tous types d’événements. On s’occupe aussi bien de la recherche du lieu que du traiteur, des animations, de la scénographie. Tout ce que l’on peut imaginer sur un événement. Je m’occupe de tout : de la partie administrative, de démarcher les clients, de faire les offres et de la partie facturation ensuite. C’est vraiment un poste qui est multitâches.
Le défaut que je lui donne, c’est qu’on s’occupe de moins en moins de ce que l’on aime vraiment faire dans l’événementiel. On a beaucoup de choses qui s’ajoutent et que l’on aime moins faire… manque de chance, c’est une obligation (rires) ! C’est beaucoup de problématiques qui ne sont pas liées à mon métier de base, mais que j’apprends à gérer au fur et à mesure.
Quel a été votre parcours avant de créer Berleone?
J’ai fait une école de publicité qui s’appelle l’ESP, une école très bien classée, très formatrice puisque dès la première année, on se retrouve sur le terrain. Le matin où l’après-midi on est en stage et le reste de la demi-journée à l’école. On rentre très vite dans la vie active et grâce à ça on développe son réseau rapidement. C’est hyper important dans notre métier actuellement.
Après avoir travaillé un an en CDI, je me suis dit “allez, c’est le moment de se lancer, de faire ce que je veux. Je n’ai pas encore d’attache, je n’ai pas encore de crédit, je n’ai pas encore d’enfants donc allons-y” (rires). Après, est-ce que c’était une décision très réfléchie, la réponse est clairement non.
Quand on a 20 ans et qu’on veut monter une société, on s’imagine qu’on va gagner beaucoup de sous tout de suite et qu’on va faire ce qu’on veut. C’est tout l’inverse (rires).
On met du temps à voir venir le retour sur investissement, ça nous prend un temps énorme. On bosse bien plus que quand on est salarié et on s’inquiète tous les mois de la façon dont on va se payer. Il faut attendre 2-3 ans pour commencer à se dire “ouf, j’ai eu raison”.
Comment est structurée Berleone ?
Je suis toute seule. Je ne veux pas employer parce que j’encourage les gens à monter leur société. Je ne travaille qu’avec des gens qui ont des microsociétés ou qui sont autoentrepreneurs.
Surtout, l’événementiel, c’est très périodique. Ça m’arrive d’avoir des mois très creux ou je vais faire 6 opé par mois et d’autres avec 50 opé. Il y a donc des mois où je n’ai besoin de personne. En février-mars, c’est très très calme. Par contre, en mai-juin, on a une activité dense et là, j’ai besoin de monde.
Ma petite société ne pourrait pas employer quelqu’un à temps plein parce que j’aime payer les gens comme il faut pour leur travail. Je préfère donner à un autoentrepreneur un bon mois de mai-juin plutôt qu’employer sur de l’année au SMIC.
Il faut aussi savoir ou on est mauvais : je suis très mauvaise manager, je n’ai aucune patience et je n’aime pas expliquer (rires). A partir du moment où je suis mauvais manager, si je n’ai pas une personne dans mon équipe qui peut gérer cela, je ne vais pas savoir le faire.
Surtout que je n’ai pas ce temps-là. Je l’ai fait dans la société où j’étais avant où à la fin, je gérais une équipe de 5 personnes… c’était très compliqué (rires) !
“Il ne faut pas avoir peur”
Quelles sont les difficultés auxquelles on fait face quand on est une jeune entrepreneuse ?
Quand on se lance, on pense que le réseau que l’on a développé auparavant va nous suivre aveuglément. La réalité est différente, on doit refaire ses preuves. Prouver que seule, on est tout aussi efficace et digne de confiance. Car oui, on est seul. Et c’est là la deuxième grosse difficulté : apprendre à gérer le fait d’être toujours en première ligne et de ne plus pouvoir confronter ses idées. Quand on est salarié dans une société et qu’il y a quelque chose qui ne va pas, on va voir son boss et on lui demande “comment je fais?”. Maintenant, quand on a un client au téléphone et que ça ne va pas, c’est à nous de nous expliquer, c’est à nous de rendre des comptes, de faire ce qu’il faut. Ça, c’est le plus difficile au début, de se rendre compte que l’on est vraiment tout seul.
C’est pareil pour toute la partie administrative, ce sont des choses que l’on ne maîtrise pas du tout. Moi, je n’ai jamais été formée dessus. Ça demande beaucoup d’investissement, de se plonger dans les choses pour comprendre. Je pense qu’un bon entrepreneur, même s’il délègue, il faut qu’il essaye de faire les choses. On ne peut pas se dire “je ne gère pas du tout l’administratif, j’envoie ça à mon cabinet comptable”. Dans ce cas-là, on se plante, parce que même si l’on a l’impression de faire des bonnes marges ou de bien gagner sa vie, ce n’est pas toujours le cas. Il faut vraiment mettre les mains dans le cambouis à chaque étape.
Pour moi, la facturation, c’est vraiment un gros point noir parce que ça prend un temps considérable dans la vie d’un chef d’entreprise. Il y a aussi toute la partie relance parce que quand on travaille avec des grosses sociétés, on est payé très tard. Il y a des laps de temps conséquents entre l’envoi de la facture et le paiement : parfois 3 mois. Ces temps d’attente, il faut les gérer puisqu’il faut payer les prestataires qui veulent être payés à 1 mois.
Moi, j’ai envie de construire des choses solides avec mes prestataires, donc je ne peux pas toujours leur demander d’attendre. C’est la grosse partie pression de cette société, quand on se connecte sur les comptes et qu’on se dit “j’espère que j’ai été payé”. C’est quelque chose qu’on apprend à gérer avec le temps parce qu’au début ça fait peur, maintenant beaucoup moins : on sait que ça arrivera de toute manière.
“Les clients, il faut apprendre à les connaître, savoir comment ils aiment travailler”
Quelles sont les qualités nécessaires quand on est entrepreneur?
Je pense qu’il faut avoir beaucoup de sang-froid. Aimer se remettre souvent en question. Ne pas avoir peur du changement, vraiment pas. Parfois on peut prendre une direction que l’on pense être la meilleure et en fait pas du tout, il faut tout changer d’un coup, mais ce n’est pas grave.
Il y a des échecs, mais il ne faut pas avoir peur de se dire “ bon, j’ai connu un échec, je ferme cette première société, je me relance et ça marchera mieux”. C’est vraiment quelque chose qu’il faut prendre en compte. Quand on est tout jeune et que l’on n’a pas eu de formation sur ce qu’est un chef d’entreprise, c’est normal de… De foirer (rires) !
Il faut aussi avoir beaucoup de patience parce que l’on n’est pas les seuls à faire de la prospection téléphonique. C’est une grosse partie de notre temps au début. Après il y a le bouche-à-oreille et ça vient naturellement, mais au début, il faut se faire connaître. Et personne n’aime le phoning, je ne connais pas une personne qui aime cela sur cette terre (rires) ! On dérange systématiquement les gens, ils se font appeler 200 fois par jour. Au début, on reçoit beaucoup de retours négatifs, on se dit “mince, comment je vais trouver des clients?”. Et puis ça arrive.
Comment faire pour se démarquer?
Je pense qu’il faut une grosse approche relationnelle avec le client, qui est hyper importante aujourd’hui. Les clients, il faut apprendre à les connaître, savoir comment ils aiment travailler. On se démarque vraiment en créant des liens forts avec des personnes, avec qui on va se lier. Pas d’amitié, mais c’est presque ça, une amitié dans le travail. Une personne avec qui on va aimer travailler et on sait que pour son prochain événement, elle va nous rappeler.
C’était plus facile au début parce que moi, j’avais 20-21 ans. Il est aisé de se présenter en disant « Bonjour Charlotte Mercier, jeune entrepreneuse », les clients adorent ça. Ils aiment le sang frais (rires), ils se prennent d’amour et de passion pour votre côté tout feu tout flamme. Bon… Maintenant, ça fait 6 ans que je suis sur le marché et cette relation-là a un peu disparu. Il est difficile pour un jeune entrepreneur de grandir, ce n’est pas rare de nous l’entendre dire.
Du côté des clients, il y en a toujours qui préfèreront travailler avec des très grosses agences, mais ces clients-là, on ne les aura jamais. Je ne suis pas une très grosse agence, je ne veux pas le devenir et je veux rester à taille humaine donc je ne les aurai jamais… et tant pis (rires) !
Que diriez-vous à un jeune qui souhaite créer sa société?
Fonce. Ne réfléchis pas trop parce que ça va vite te faire peur. Avant de te lancer, il faut réfléchir à qui vont être tes partenaires, à qui tu vas vraiment pouvoir faire confiance. Quand tu vas arriver devant un client, est-ce que tu vas arriver les mains vides en disant “je sais faire et on verra” ou “je sais faire et je peux faire ceci et je peux vous apporter cela”. Il faut arriver avec un vrai discours.
Ne pas oublier d’utiliser des bons outils, c’est-à-dire qu’il faut un site internet, une plaquette de présentation, etc. Il faut des vrais outils de com’ parce que ça rassure les clients. On est beaucoup à vouloir se lancer en free ou monter sa société, donc il faut une plus-value. Alors j’en conviens, au début cela peut paraître un peu effrayant, mais il n’y a rien d’insurmontable.
“On s’épanouit vraiment dans son travail quand ça devient un métier-passion”
Quelles sont les erreurs à éviter ?
Il n’y en a pas, car les erreurs, il faut les faire. Il faut se lancer en plein dedans. Une erreur, c’est génial de la faire, parce qu’on ne la refera plus. Plus vite on la fait, mieux c’est. Moi, j’en ai fait plein (rires). Au début, j’ai coché une case qu’il ne fallait pas dans un questionnaire de 200 pages. Je me suis retrouvé 6 mois plus tard avec l’URSSAF sur le dos qui m’a dit : “vous avez dit que vous aviez des employés” alors que je n’en avais pas (rires). Donc on apprend à faire ça, on apprend à remplir tout ce qui est administratif.
Sur la partie événementielle, je n’en ai pas fait beaucoup parce que mon expérience est assez large. Les erreurs, je les avais faites en agence, j’ai eu cette chance d’avoir derrière moi quelqu’un qui rattrapait mes erreurs à ce moment-là. J’en ai donc moins fait sur ma société, mais c’était plus sur tout le reste, où je n’avais aucune formation.
Comment réussir à avoir cette grosse capacité de travail?
Au bout de quelques années, ça va très facilement. Je suis aussi partisane du fait qu’une journée de neuf heures de travail, c’est complètement inutile, qu’on peut la faire en quatre heures. Mes journées, si je veux vraiment les condenser, hors rendez-vous, je peux les faire en trois heures en ayant fait toutes mes tâches. Hors période de rush où j’ai trois demandes par jour, bien entendu. Si je le veux vraiment, je travaille quatre heures par jour.
Est-ce qu’il est important de prendre du plaisir pour avoir cette capacité de travail?
Bien sûr. Je pense que l’on s’épanouit vraiment dans son travail seulement quand ça devient un métier-passion. C’est très difficile à atteindre, c’est pour ça que se lancer dans ce que l’on aime, c’est génial, parce que… On fait ce qu’on aime (rires) !
Je passe beaucoup de temps à satisfaire mes clients. Maintenant, je prends beaucoup moins de clients parce que je trouve que la société a son rythme de croisière, qui me va très bien. Bien entendu, si je peux faire un petit peu plus, je le ferais, mais je n’irais pas beaucoup plus loin. J’ai besoin de vivre pour moi. ! J’ai toujours travaillé pour vivre et pas l’inverse, même si j’adore mon métier. Je pense d’ailleurs que pour bien faire son travail et prendre du plaisir il faut être équilibré et bien dans sa tête, d’où l’importance du temps perso.
Les deux premières années, on ne prend pas beaucoup de plaisir parce qu’on ne fait pas vraiment son métier. On ne le fait pas “en grand” comme on aime le faire parce qu’on a moins de budget et pas beaucoup de clients. On consacre beaucoup de temps à des choses que l’on n’aime pas faire, que personnellement je déteste faire… et que je détesterai toujours faire (rires) ! L’administratif, c’est quelque chose que je n’aime pas, j’aurais fait comptable sinon (rires) ! Mais je n’ai pas envie de planter ma boîte donc ce sont des choses à faire, à comprendre et où il faut s’investir.
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